Petite histoire de Noël façon Halloween, pour répondre à une commande. Encore une histoire qui n'aurait jamais existée sans cette dernière. Les rencontres changent le monde (lol!)
Comment j'ai annulé Noël :
Melvin était un petit garçon triste
et solitaire. Melvin n'aimait pas la proximité affective. Ça le
dérangeait ; ça lui faisait mal dans son petit cœur trop
sollicité d'enfant. Ça lui rappelait combien on pouvait être
blessé dans son amour propre, dans ses sentiments et combien on
pouvait être insécurisé et déçu par les autres, surtout par ceux
qui nous étaient proches et qui étaient sensés nous protéger.
Non, Melvin n'aimait pas plus les adultes - ces adultes qui l'avaient
tellement négligé et malmené -, que les autres enfants, parfois
tellement cruels à ses yeux. Les autres enfants ne l'aimaient pas
plus, d'ailleurs ; trop bizarre, trop ennuyant, trop dérangeant.
Alors, Melvin s'était construit sa propre petite bulle de sérénité ;
sa petite boule à neige personnelle de sécurité. Oui, Melvin
échappait à sa morose réalité en façonnant son propre univers.
Réalisant ses propres jeux, ses propres jouets, pour lui, rien que
pour lui. Avec des bouts de ficelles, des chiffons, des boutons, des
morceaux de bois, des engrenages improbables, Melvin se construisait
un empire. Un empire de sensations, d 'émotions et de dérision.
C'était le soir du réveillon de Noël
et Melvin broyait du noir, car Melvin n'aimait pas Noël. Noël et
ses réunions familiales interminables et soûlantes, ses pulls
moches, ses cadeaux mercantiles et sa bonne humeur programmée. Ces
réunions que, à ses yeux, tout le monde semblait s'imposer. Melvin
ne comprenait décidément pas comment on pouvait aimer se réunir et
se fader volontairement, presque par apathie, un tel calvaire pour
les sens et pour l'intelligence.
La nuit était noire et,
sur la grande toile où flottent les étoiles, elle apparue dans
toute sa magnificence : une étoile filante. Le moment parfait,
idéal pour faire un veux terrible, irrévocable : que Noël
soit annulé, qu'il n'y ait pas de réveillon interminable et
assommant ; qu'il n'y ait pas de cadeaux insignifiants et
stupides et que tous les enfants soient aussi tristes et désabusés
que lui.
Et, là, dans toute sa
flamboyance, l'étoile grossit et grossit encore, allant jusqu'à
oblitérer la nuit. Elle filait comme un feu follet, depuis l’horizon
d'Eygurande ; direction l'est de Merlines. Elle s’éteignit
enfin, dans un grand bruit sourd, près du vieux lavoir, à quelques
pas de la maison de Melvin. Il y a avait là, désormais, un gros
cratère chaud et fumant. Pile en son centre se lovait ce qu'il
restait du traîneau du père Noël. Le paysage était constellé de
colis éventrés et souillés par la boue et la neige. Un merveilleux
décors de désolation qui vous brisait le cœur.
Les vœux sont les enfants
terribles d'une magie puissante, à manier avec prudence et sagesse.
Ce qui allait être un
cataclysme mondial, un deuil impossible et une douleur
incommensurable pour des millions d'enfants, désormais et pour
toujours orphelins de Noël, était devenu le plus beau jour de la
vie de Melvin. Le premier jour du reste de sa vie, pour ainsi dire.
Les informations en
faisaient leurs choux gras : le traîneau du père Noël s'était
crashé, peu après le début de sa tournée, quelque part dans la
campagne corrézienne et Noël était annulé. Partout, de par le
vaste monde, des millions d'enfants pleuraient, le réveillon était
gâché et on se mobilisait pour essayer de palier, dans l'urgence, à
la disparition du père Noël. La Croix Rouge, le Secours
Populaire... tous essayaient, tant bien que mal, de se mobiliser pour
sauver Noël ; mais on ne se substituait pas aussi facilement au
vieux barbu.
Melvin observait le fruit de
son terrifiant larcin à la TV. Melvin avait changé le monde. Mais,
à sa grande surprise, Melvin n'était pas réconforté par le grand
malheur qu'il avait causé. Les pleurs des enfants, la colère et le
désespoir des adultes ne parvenaient pas à combler le grand trou
noir qui rongeait maintenant son cœur et qui menaçait, alors, de
l'avaler, lui et l'univers tout entier. Non, le malheur des autres ne
parvenait pas à estomper sa propre tristesse, son propre vide
intérieur ; bien au contraire, le malheur se rajoutait au
malheur et le fait que des millions d'autres enfants le rejoignaient
dans sa mélancolie ne le faisait pas se sentir moins solitaire,
moins malheureux. Qu'a tu fais Melvin ? Le monde est devenu
encore plus moche qu'avant et tout ça pour un caprice d'enfant.
Melvin pleurait en regardant le monde, Son monde, s'effondrer.
Soudain, une main lourde et
chaude se posa sur l'épaule de Melvin.
- « Petit gars, il n'y
a aucun vœu précipité et irréfléchi qui ne puisse être annulé
par un autre vœu, plus sage et posé ! » C'était le père
Noël.
Les yeux pleins de larmes
Melvin souriait, timidement, pour la première fois depuis des
années, à la fois étonné et, désormais, empli d'une sourde
espérance. Mais, ce qui avait été fait pouvait-il être défait ?
- « Je regrette, je
regrette tellement ! » dit Melvin, en se jetant dans les
bras du père Noël. Ce dernier essuya les larmes qui roulaient sur
les joues de Melvin à l'aide de ses gros pouces.
- « Noël est à
l'épreuve des drames ! » répondit le vieil homme, avec
une grande bienveillance. « Il te suffit de révoquer ton
vœu ! »
- « J'aimerai
tellement que rien de tout cela ne soit jamais arrivé ! »
répondit Melvin en fixant, avec remord, le père Noël.
Sur ce, le traîneau du père
Noël surgit violemment de terre et bondit rapidement dans le ciel
et, dans un semblant de contorsions macabres, repris sa forme
d'origine, effaçant cabosses et accrocs ; tandis que,
surgissant des 4 points cardinaux, 9 rennes vinrent s’atteler au
véhicule aérien, et qu'une nuée de colis qui se reconstituaient,
comme dans un film que l'on remonterait à l'envers, vint remplir son
imposant coffre. Noël ne meurt jamais, car Noël est la renaissance
sans cesse reconduite.
On se rappellerait longtemps
de ce jour durant lequel Noël eut lieu le 26 décembre. C'était,
avec plus de 24 heures de retard, que le père Noël et son acolyte
du jour, l'enfant qui avait annulé Noël, entamaient leur tournée
mondiale. Partout ce n'était que rire, étonnement, joie, communion
et soulagement. Les enfants du monde entier recevaient enfin, sans
contrepartie aucune, leurs présents ; car c'était surtout ça,
Noël : un don sans aucune forme d'intérêt, sans arrières
pensées, sans esprit débiteur. Oui, Noël était un hymne au don...
et au partage.
On raconte qu'aujourd'hui,
quelque part près de Merlines, le père Noël finit toujours sa
tournée par la maison de Melvin ; pour rendre visite à un
vieux et très cher ami et échanger autour de leurs dernières
créations. En effet, la maison de Melvin est adossée à une arrière
boutique dans laquelle il construit et vend des jouets en bois et où
courent et jouent toujours de jeunes enfants.
Oui, il suffit parfois d'une
rencontre pour faire naître, ou pour affirmer une vocation.
Melvin n'était pas moins
taciturne et bizarre qu'autrefois, mais Melvin avait apprit à
partager avec ses semblables autour de son amour pour Noël,
sans cesse renouvelé.
Il y avait un père Noël
pour le jour de Noël et, le reste de l'année, il y avait la petite
boutique de jouets de Melvin.
Melvin construisait des
jouets et Melvin était heureux.
Libellés :
Comment j'ai annulé Noël,
Travaux contemporains
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